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Odonchimeg Davaadorj dévoile son univers poétique

Un coup de cœur pour inaugurer cette rubrique « galeries » : le zoom consacré par la galerie Backslash à la jeune artiste d’origine mongole Odonchimeg Davaadorj.

Tracées à l’encre de Chine sur des feuilles de papier découpées ou des carrés de tissu, des figures humaines et animales sont épinglées sur les murs. Les dessins, reliés de fil rouge, paraissent former la trame d’une mystérieuse histoire : des corps d’hommes et de femmes nus, souvent dépourvus de tête, d’où jaillit parfois un faisceau de ramifications végétales ; un oiseau qui s’envole, attaché par un fil au cœur d’une jeune fille au visage assombri ; un renard solitaire chaussé de talons aiguilles ; une femme-montagne sur le dos de laquelle déambulent de minuscules personnages ; un cœur-planète parcouru d’artères devenant branches autour desquelles se rassemble une généalogie de fragiles humains…
Tout un monde empli de poésie qui évoque l’enracinement, l’énergie vitale, les forces de la nature, les liens qui nous unissent et ceux qui nous rattachent à l’univers.

Odonchimeg Davaadorj, galerie Backslash, 2019 © Isabelle Henricot

Odonchimeg Davaadorj devant Zoom #4, 2016-2017, Galerie Backslash, 2019 © Isabelle Henricot

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Le dessin, Odonchimeg Davaadorj le pratique depuis toujours.
Née en 1990 dans le nord de la Mongolie, elle a passé son enfance dans la ferme construite par ses parents à l’écart d’un village, entourée d’animaux et d’étendues infinies. De ces années vécues dans cet environnement préservé, elle a gardé un attachement profond à la nature et sans doute le sentiment d’appartenance à une forme d’harmonie universelle qui s’exprime dans la spiritualité chamanique, même si elle se dit détachée de toute croyance religieuse. Le goût qu’elle continue de cultiver pour la poésie remonte aussi à ces années d’enfance – les enfants apprennent des poèmes dès le plus jeune âge en Mongolie et la poésie tient une place très importante dans la culture mongole. La couture, qu’elle pratique pour confectionner les vêtements peints ou brodés utilisés lors de ses performances, elle l’a apprise en regardant travailler sa mère couturière. D’une manière générale, le fil est très présent dans son travail et nombre de ses dessins sont rehaussés de broderie ou de perforations d’aiguille qui leur donnent un relief particulier. Cette affinité avec les travaux d’aiguille la rapproche des recherches de Louise Bourgeois à laquelle elle porte une grande admiration.

Odonchimeg Davaadorj, Dérive, 2018 / Le réveil, 2018

Odonchimeg Davaadorj, Geysir, 2018

C’est à dix-sept ans, ayant terminé sa scolarité avec deux ans d’avance, qu’Odonchimeg a quitté sa Mongolie natale pour rejoindre sa sœur installée en République tchèque. Après avoir appris le tchèque et entamé des études de commerce dont elle réalise très vite qu’elles ne correspondent nullement à ses aspirations, elle décide, malgré les réticences de ses parents restés au pays qui ne comprennent pas qu’elle renonce à un avenir si prometteur, de partir pour Paris afin d’y faire des études d’art. Elle a vingt ans et n’a jamais eu jusque là l’occasion de visiter une galerie ou un musée. Ne connaissant personne à Paris et ne parlant pas le français, elle commence par faire des ménages pour gagner de quoi vivre puis, tout en travaillant, s’inscrit dans une classe préparatoire aux Ateliers Beaux-Arts/Glacière avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy dont elle sort diplômée en 2016. C’est là qu’elle s’initie à l’histoire de l’art et se familiarise aux diverses pratiques artistiques, explorant tour à tour la performance, la vidéo, la peinture, la sculpture… Mais aujourd’hui encore le dessin est resté pour elle un medium privilégié. « Pour faire mes dessins, je n’ai besoin que d’une petite feuille de papier et d’un peu d’encre. Ça ne coûte pas cher et je peux les emmener partout ». Elle utilise l’encre de Chine, déclinée en bleu, rouge ou sépia, dont elle apprécie la souplesse d’utilisation et la richesse de nuances.

En marge de ses œuvres sur papier et sur toile, l’exposition présente également quelques sculptures en argile de petit format. Lors du vernissage, l’artiste me confiait vouloir se lancer dans des projets de plus grande envergure mais n’avoir pas encore eu la possibilité de le faire, n’utilisant jusqu’ici comme atelier que l’espace de sa cuisine – que l’on imagine peu compatible avec la création de sculptures monumentales…

Odonchimeg Davaadorj, Sans titre, 2019

Rassemblant principalement des œuvres très récentes, l’exposition inclut cependant une série de trois courtes vidéos réalisées en 2013-2014, alors qu’Odonchimeg était encore étudiante à l’ENSAPC, dans lesquelles la jeune artiste met en scène avec une grande économie de moyens des petites perles de poésie : quelques herbes poussant au milieu du béton deviennent le décor d’un paysage de neige entourant une maisonnette de papier, une flaque d’eau au creux de l’asphalte se transforme en lac rempli de petits bateaux colorés à côté desquels nagent des cygnes…

Sélectionnée l’an dernier pour le Salon de Montrouge, Odonchimeg Davaadorj y a été récompensée du prix de la Révélation arts plastiques 2018 de l’ADAGP et a bénéficié à cette occasion d’un portrait filmé et diffusé sur Arte.tv : https://www.arte.tv/fr/videos/081647-026-A/odonchimeg-davaadorj-prix-revelation-arts-plastiques-2018/

Odonchimeg Davaadorj lors du vernissage à la galerie Backslash, 2019 © Isabelle Henricot

L’exposition est visible jusqu’au 23 février et il ne faut pas la manquer !

 

Odongchimeg Davaadorj
Galerie Backslash
29, rue Notre-Dame de Nazareth
75003 Paris
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Jusqu’au samedi 23 février 2019.

Photo de titre : Odonchimeg Davaadorj, Nousfrage, 2018 © Isabelle Henricot

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